La présidence de la FIA s’apprête à vivre une élection très particulière, puisque Mohammed ben Sulayem se retrouve sans aucun adversaire déclaré pour le scrutin de décembre. Derrière cette apparente formalité se cache un processus complexe, contesté en coulisses, qui interroge sur la réalité de la démocratie au sein de l’instance.
Un candidat unique et des rivaux écartés
Sans communiqué, sans conférence ni même un simple tweet, la FIA a simplement ajouté un fichier pdf sur son site listant les candidats éligibles. À la ligne « President of the FIA », un seul nom apparaît: Mohammed ben Sulayem, représentant des Émirats arabes unis. Aucun autre prétendant n’a finalement franchi la ligne de départ.
Carlos Sainz Sr n’a jamais officiellement déposé sa candidature, Tim Mayer s’est retiré en dénonçant une élection « arrangée », Virginie Philipott n’a pas été considérée comme une option crédible, tandis que Laura Villars, elle, a choisi une autre voie. À son crédit, cette dernière conteste juridiquement l’ensemble du processus électoral, ce qui laisse planer une ombre sur cette reconduction annoncée.
Ironie de l’histoire, c’est un nom bien connu des fans de Formule 1 qui a cristallisé les tensions: Ecclestone. Mais cette fois, il ne s’agit pas de Bernie, l’ex-patron de la F1, mais de Fabiana Ecclestone, issue du même univers, et devenue une pièce maîtresse de l’équation.
Un système verrouillé par la composition des équipes
Le processus mis en place durant le premier mandat de ben Sulayem impose à tout candidat à la présidence de s’entourer d’une équipe de dix responsables, dont sept vice-présidents pour le sport représentant différentes zones du globe. On retrouve ainsi l’Amérique du Nord, l’Amérique du Sud, la région Asie-Pacifique, l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (MENA), ainsi que deux postes réservés à l’Europe.
Le point de blocage vient de l’Amérique du Sud. Dans la liste des candidats éligibles au World Motor Sport Council, une seule personnalité sud-américaine apparaît: la Brésilienne Fabiana Ecclestone. Et cette dernière figure déjà dans l’équipe de Mohammed ben Sulayem. Résultat très concret: sans elle, aucun autre camp ne peut constituer une équipe complète, ce qui revient, de fait, à verrouiller l’accession à la présidence de la FIA.
Pendant que la FIA affirme avoir agi dans la plus grande transparence, Tim Mayer a saisi le comité d’éthique de l’institution. De son côté, Laura Villars poursuit sa démarche judiciaire pour contester la validité même du dispositif, estimant que le terrain de jeu n’est pas équitable.
Comités internes et contestation devant la justice
Les candidatures à la présidence de la FIA sont contrôlées par le comité des nominations. En cas de problème, le dossier est ensuite transmis au comité d’éthique. Sur le papier, le système semble garantir une certaine probité. Cependant, des changements controversés intervenus l’an dernier ont modifié en profondeur les équilibres.
Désormais, ces deux comités clés sont placés sous le contrôle direct de Mohammed ben Sulayem et de son « inner circle ». Autrement dit, l’actuel président et ses proches tiennent les leviers qui décident de la recevabilité des candidatures et du traitement des contestations. Cette concentration de pouvoir nourrit les critiques sur le caractère réellement ouvert de l’élection.
Une audience judiciaire s’est tenue à Paris, et le juge doit rendre sa décision le 3 décembre, soit un peu plus d’une semaine avant le scrutin prévu le 12 décembre en Ouzbékistan. Même si beaucoup estiment que la contestation a peu de chances d’aboutir, une issue reste théoriquement possible: la suspension pure et simple de l’élection.
Démocratie de façade ou simple réalité institutionnelle ?
Au-delà de ce cas précis, le débat posé par la présidence de la FIA rejoint une question plus large. Dans plusieurs régions du monde, on observe des systèmes qui gardent les apparences du vote, tout en limitant fortement la compétition réelle. L’auteur du texte conclut d’ailleurs en pointant cette nuance: il y a la démocratie, et puis il y a la « démocratie ».
Pour les passionnés de sport auto et les acteurs du milieu, l’enjeu dépasse le seul nom du président. Il touche à la confiance dans l’instance qui régule la compétition mondiale, délivre les licences et définit les règles du jeu. Une élection sans véritable choix interroge forcément sur la représentativité de ceux qui décident pour l’ensemble de la planète sport automobile.
En synthèse, la reconduction annoncée de Mohammed ben Sulayem met au jour un système électoral très structuré, mais perçu comme verrouillé. Reste à voir si la justice, le comité d’éthique et les membres de la FIA accepteront durablement cette définition très particulière de la démocratie interne.

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